Andreas Kaplan
Dean & Professor ESCP Business School Paris, Sorbonne Alliance | 10+ years of Leadership Experience in Higher Education as Dean, Provost, & Rector |…
Published Nov 10, 2021
La nécessité de l’apprentissage tout au long de la vie est plus urgente que jamais car, au cours de la prochaine décennie, plus d’un milliard d’emplois dans le monde seront transformés par la numérisation, l’intelligence artificielle et la robotique. Étant donné que les employés devront constamment acquérir de nouvelles compétences pendant leur carrière professionnelle, la formation continue est devenue un élément indiscutable du monde du travail. L’enseignement supérieur, cependant, reste principalement axé sur un modèle linéaire en trois étapes : étudier, travailler, prendre sa retraite. Dans la plupart des universités et des écoles de commerce, la formation continue est donc souvent considérée comme accessoire, au lieu d’être pleinement intégrée.
La pandémie de COVID-19, les confinements successifs et le temps passé à la maison ont alimenté le désir d’acquérir de nouvelles compétences : beaucoup ont fait leur première expérience d’un cours en ligne en s’engageant dans diverses activités d’apprentissage virtuel depuis leur salon et leur bureau à domicile. Cette situation a non seulement changé les attitudes à l’égard des formations numériques, mais elle a également mis en avant de nouveaux acteurs de l’enseignement. Au lieu de s’en remettre aux établissements d’enseignement traditionnels, les apprenants se sont tournés vers les acteurs alternatifs venant du monde de l’edtech ou du big tech en raison d’offres numériques plus attrayantes et souvent moins chères. Par conséquent, la demande de formation continue fournie par les écoles de commerce est restée étonnamment faible, voire a diminué, pendant cette crise sans précédent. HEC, le fleuron des études en management, a ainsi perdu plusieurs millions d’euros durant cette période.
Il n’est cependant pas trop tard pour que les institutions académiques traditionnelles remettent en question et remplacent le modèle en trois étapes mentionné ci-dessus, souvent considéré comme dépassé, en se concentrant davantage sur les offres d’apprentissage continu et numérique. Cet article propose six solutions à disposition des écoles de commerce pour non seulement perdurer mais aussi prospérer dans cette nouvelle ère de l’apprentissage à vie.
Les écoles de commerces devraient utiliser la période que les étudiants passent entre leurs murs pour les convaincre de l’importance de l’apprentissage tout au long de la vie. Une transparence accrue s’impose sur le fait qu’un diplôme de licence ou de master ne suffira plus pour l’ensemble d’une carrière professionnelle. Pourtant, les brochures de marketing des établissements racontent une histoire différente et il est ensuite difficile de persuader les anciens étudiants qu’ils auront besoin de formations supplémentaires dès leur insertion dans le monde du travail. Pour leur donner un avant-goût des offres de formation continue d’une école, les étudiants pourraient participer à une formation pour cadres au cours de leurs études. Les offres de l’exécutive education pourraient même leur être communiquées lors de leurs journées d’intégration, afin de leur signaler clairement que l’apprentissage représente l’effort de toute une vie.
Les écoles devraient également mieux orienter leurs anciens vers les formations continues qu’elles proposent. Actuellement, la plupart des établissements offrent aux alumni des remises importantes pour leur portefeuille de cours d’apprentissage à vie. Ce serait encore mieux d’introduire des modèles de souscription semblables aux abonnements à une salle de sport – mais pour l’entrainement cérébral – où les apprenants payeront un montant régulier pour un nombre limité ou illimité de cours. Les données accumulées sur les étudiants devraient être utilisées pour suggérer les formations personnalisées les mieux adaptées aux profils respectifs des anciens élèves. En outre, les écoles de commerce devraient fortement jouer la carte de la nostalgie : combiner les formations avec une réunion de promotion où les anciens camarades pourraient se reconnecter en parallèle de l’apprentissage. Proposer des formations dans les mêmes espaces physiques qu’autrefois ou avec un ancien professeur, peut créer des expériences nostalgiques fortes.
Pour concurrencer les prestataires non traditionnels du secteur de l’enseignement, les dernières techniques commerciales et du marketing devraient également être appliquées. Offrir aux participants la plus grande flexibilité possible pour suivre les modules dans un délai personnalisé ou fournir aux apprenants réguliers des diplômes accrédités, ce que seules les institutions académiques peuvent faire pour l’instant, sont deux exemples de ce qui peut rendre les formations plus attrayantes. Les stratégies de tarification doivent également suivre un état d’esprit plus entrepreneurial. Actuellement, la plupart des institutions facturent le même prix pour leurs programmes en ligne et hors ligne afin de ne pas cannibaliser ces derniers, ce qui rend les offres numériques moins compétitives. Alors que la formation en ligne, souvent dispensée à des groupes plus importants avec moins d’interaction, devrait avoir un prix plus bas, des tarifs plus élevés pour les programmes en présentiels peuvent être justifiés par des cours en plus petits groupes enrichis par des visites d’entreprises et des opportunités de networking.
Les établissements devraient largement mettre en avant leurs points de différenciation avec les acteurs alternatifs et non académiques en se positionnant comme des créateurs de connaissances développant les dernières recherches scientifiques, et en s’appuyant sur des enseignants experts dans leur domaine, souvent au niveau international. En outre, ce sont eux, des spécialistes de la pédagogie qui conçoivent les programmes et les cursus de très haut niveau. Cependant, cela ne suffira pas : l’augmentation de la concurrence entre les écoles de commerce, notamment due à la numérisation du secteur, devra les conduire à se différencier plus fortement les unes des autres en créant des marques uniques, idéalement non-copiable. Dans quel domaine telle école de commerce est-elle la meilleure ? Quelle est sa spécificité ? Peut-être est-elle la plus avancée dans le domaine du développement durable, la seule qui applique une méthode d’enseignement spécifique, celle qui pratique plus que ses pairs un enseignement inter et multidisciplinaire, celle qui est le mieux placée pour un enseignement du management interculturel ?
Beaucoup des formations continues se feront en ligne. Cela nécessitera une infrastructure de haute qualité qui souvent dépasse le cadre budgétaire des écoles de commerce. La mise à l’échelle sera difficile sans des moyens financiers importants. Des collaborations avec des acteurs de l’edtech et du big tech, élaborées de manière à ce qu’elles ne cannibalisent pas à terme les écoles elles-mêmes, pourraient être une solution. En outre, les écoles de commerce doivent veiller à ce que leurs professeurs restent des enseignants de premier ordre. Eux-mêmes devraient avoir la possibilité de suivre des formations régulières pour se tenir au courant des dernières avancées pédagogiques ainsi que de l’évolution constante du numérique. En ce qui concerne le contenu des formations proposées par les écoles, des coopérations avec des entreprises pourraient être développées pour une détection plus facile et rapide des besoins actuels du monde du travail.
L’enseignement supérieur est confronté à une période de profonds changements et pourrait se trouver au bord de la rupture. La création d’une communauté entre toutes les parties prenantes est une mesure complémentaire afin que les établissements puissent se protéger. Une école, ce n’est pas uniquement des cours et des formations. C’est également des relations, des réseaux et une appartenance à une communauté d’anciens élèves, d’étudiants, de professeurs, de personnel dans un écosystème plus large qui soutient les apprenants au-delà de leurs études. Créer des partenariats d’apprentissage à vie représenterait une très bonne base pour construire une telle communauté autour de la future école de commerce du 21e siècle.
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